Littérature ménage J’ai profité de l’été pour faire un peu de ménage.

Comme les céramistes : ils récupèrent les morceaux de terre qu’ils ont enlevé lors de la production des pièces, ils les trempent, les retravaillent et en font de nouvelles mottes qui serviront à la production de pièces futures. Ils en profitent, j’imagine, pour nettoyer un peu le reste de l’atelier et réfléchir à ce qu’ils vont créer à l’avenir.

Je fais la même chose.

Le temps disponible a toujours été la contrainte principale à mon activité intellectuelle et littéraire et ce que je produis, la façon dont je le produis, s’adapte à cette contrainte extérieure. En 2022-2023, j’anticipe que j’aurais moins de temps que l’année précédente. Du coup je simplifie un peu : au lieu de deux sites, nicomo.io pour le littéraire et nicolasmorin.com pour le reste, je “replie” nicomo.io dans le site historique sous forme de deux rubriques : 🍴 Cuisine et 🚀 Récits et fictions courtes. Ca me permet de n’avoir qu’un seul outil web, plus facile à gérer. Autre conséquence de ce changement : j’ai simplifié le site web utilisé. Il y a un abonnement à la lettre, mais pas de connexion à un compte personnel sur le site. Du coup les récits et fictions courtes n’y sont plus publiés : ces contenus sont uniquement dans les emails que je vous envoie et aussi, quand j’ai accumulé assez de contenu, sous forme d’une publication que je troque.

Et conséquence finale et principale : il faut s’attendre à une baisse substantielle du rythme de publication. Mais, je l’espère, pas un arrêt complet.

Pour finir cet état des lieux, j’ai une question. Si vous étiez abonné à nicomo.io c’était pour la littérature, mais le nouveau site fusionnant les contenus je peux :

  1. ou bien maintenir la thématique unique de ces emails plus ou moins réguliers : dans la lettre que vous recevez par email plus ou moins régulièrement, 🍴 Cuisine et 🚀 Récits et fictions courtes uniquement.
  2. ou bien ajouter les autres contenus du sites, plus ou moins réguliers eux aussi : 🍴 Cuisine et 🚀 Récits et fictions courtes, mais aussi les textes de 💭 philosophie politique, et d’éventuels autres textes que je publierais. A priori sans augmenter, voire en diminuant, la quantité et le rythme des envois.

Dites-moi : 1. littérature uniquement? 2. Tous contenus?

Option 3 : j’avais oublié que je recevais ce truc, je n’y comprends rien, je veux me désabonner.

Par exemple, vous trouverez sur ce site, publiés hier, deux billets sur la philosophe Judith Shklar (1928-1992), le premier biographique et d’introduction générale, le second sur son essai Liberalism of Fear.

Je vous laisse aller y voir, mais c’est typiquement le genre de contenu que vous recevriez de temps à autre si j’étendais le contenu de ces emails.

Ces deux billets sur Shklar sont par ailleurs les premiers de ce que j’espère devenir une lente mais longue série sur son oeuvre.

🚀 Saul Bellow. The Old System (1967) [Nouvelle]

C’est une famille juive américaine des années 1950 (forcément). L’aîné a un grand projet d’achat de terrain pour construire un centre commercial. Il doit réunir une somme pour graisser la patte du patricien qui gère la chambre de commerce locale pour que le deal se fasse. Négociation familiale avec ses frères et sa sœur pour lever la somme. On se met d’accord. La veille de la transaction, quand il arrive à la réunion de famille prévue, il n’y a qu’un de ses frères présents, sans la somme. Ils ont changé d’avis, sans doute sous l’influence de la sœur.

Il emprunte en urgence la somme ailleurs, et parvient in extremis à faire le deal tout seul. Il s’avère que ça marche, et dans les 30 ans qui suivent il devient riche.

Mais sa sœur rompt avec lui et, pour les 30 ans qui suivent, l’accuse d’avoir fait une fortune sur leur dos et de les avoir écartés.

Je vous laisse deviner s’ils se réconcilient et dans quelles circonstances.

Cette nouvelle part un peu dans tous les sens et, si elle est magnifiquement écrit, n’est sans doute pas la meilleure de Bellow. Mais elle illustre néanmoins, je trouve, ce qui fait son génie. Bellow était un homme complexe et pétri de contradictions, et aussi un observateur extrêmement fin de l’humanité et capable de d’identifier en chacun de nous cette même complexité, ces mêmes contradictions. Nous mentons, nous nous mentons à nous-même surtout, nous sommes tiraillés par des désirs contradictoires, écrasés sous le poids du monde, et pourtant nous traçons notre chemin.

C’est comme un ballon de rugby lancé à pleine vitesse sur un terrain inégal. Les rebonds sont impossibles à prédire pour le lecteur-observateur que nous sommes, à droite, à gauche, en avant, plus haut, plus bas, et pourtant rien là dedans, bien sûr, qui n’obéisse pas aux lois de la physique.

C’est notre vie même. Staline parlait des écrivains comme des “ingénieurs de l’âme humaine”. C’est faux et dangereux, bien entendu, comme l’a illustré Josef Škvorecký dans son roman qui porte ce titre. Mais Saul Bellow est dans mon esprit une sorte de laborantin qui découpe de fines, fines lamelles d’âme humaine pour les placer entre les deux plaques de verres d’une fiction pour nous les montrer en gros plan. Non pas un ingénieur mais un observateur particulièrement fin de l’âme humaine. Le plus grand compliment qu’on puisse faire à un auteur.

🍹 Glace [rhum]

Si vous buvez du rhum, faites des cocktails au rhum, etc. il vous faut de la glace. Mon activité littéraire entrant sinon en hibernation, au moins en hypothermie, je me suis dit que c’était un bon sujet.

J’ai découvert ces dernières années que la glace est un sujet de nerds. Il y a des experts, des méthodes, des philosophies, des guerres, pour ainsi dire, à ce sujet dans le monde du cocktail.

De fait, avoir de la bonne glace dans son cocktail est très agréable. Je ne suis pas certain que pour des amateurs comme vous et moi ça change beaucoup le goût, mais c’est un peu comme la différence entre boire son rhum dans un joli verre et le boire dans une timballe en plastique : même rhum, expérience différente.

La glace, donc. Celle que nous faisons dans notre congélateur, avec de l’eau du robinet et un moule en silicone à 2€, pour en mettre deux cubes… est du niveau du verre en plastique. En particulier, si vous regarder l’un de ces terribles glaçons, vous verrez qu’il n’est pas transparent, mais opaque et plein d’imperfections. L’explication est très simple : le froid de votre congélateur attaque l’eau sur tous les côtés du cube de la même façon, l’extérieur gèle d’abord et pousse progressivement les impuretés et les bulles d’air vers le centre du glaçon. Quand le glaçon est entièrement formé, les impuretés sont coincées au centre, et le glaçon est opaque.

Solution? Un froid directionnel. Il faut que le froid gèle l’eau depuis une seule face du cube et que la glace progresse vers l’autre extrémité du glaçon, poussant les impureté vers un seul côté. Comment? En protégeant les autres faces du froid. La solution DYI consiste à utiliser une petite glacière de camping dont on a ôté le couvercle. Vous la remplissez d’eau et la déposez au congélateur. Le froid va du haut vers le bas uniquement, poussant toutes les impuretés au fond du bac. Quand toute la glacière est gelée, vous pouvez démouler ce gros bloc de glace, enlever en la coupant avec un couteau à pain, par exemple, la partie inférieure où toutes les impuretés ont été rassemblées, et il vous reste un gros bloc de glace parfaitement transparente.

La méthode a aussi l’avantage de vous permettre ensuite, toujours avec un couteau à pain, de découper des glaçons de la taille que vous voulez, que vous pouvez ensuite remettre au congélateur pour les utiliser à votre guise.

Illustration sur la chaîne YouTube Educated Barfly : Easy Perfect CLEAR ice at Home!

🔖 Favoris

Le philosophe John Danaher a une nouvelle série d’épisode sur son podcast, habituellement consacré à la philosophie de la technique : Ethics of Academia. Déjà 10 épisodes. Depuis la question de la division du travail en contexte académique, à la question de la moralité de la notation, l’éthique de l’engagement public, etc. Cf https://ethicsofacademia.wordpress.com/

John Chu Videos. Une minuscule chaine You Tube dont les vidéos ont rarement plus de 100 ou 200 views. John Chu habite NYC et filme son environnement immédiat, mais l’intérêt de la chaîne, c’est le son : il utilise un système binaural qui restitue une qualité de son en 3D remarquablement fidèle à la réalité. A écouter avec un casque.


Photo by Juha Lakaniemi