Simple civilité : désaccords et limites à la tolérance
Une lecture du livre de Teresa M. Bejan, Mere Civility : Disagreement and the Limits of Toleration. Harvard University Press, 2017. ...
Une lecture du livre de Teresa M. Bejan, Mere Civility : Disagreement and the Limits of Toleration. Harvard University Press, 2017. ...
Les idées les plus originales de J.S. Mill sur la liberté sont exposées dans l’introduction et la première partie de son texte, que nous avons vu déjà . Dans la suite du livre, assez courte, il tire les conséquences de ces idées et répond aux objections possibles. Du coup, plutôt que de commenter le texte au fur et à mesure, je vais pour toute la fin me contenter de quelques remarques d’introduction, puis essentiellement résumer son propos. ...
Pour rappel, voici le principe de non-nuisance tel que défini par Mill, et qui forme l’axe de sa réflexion sur la liberté en général, et sur la liberté d’expression en particulier. “The only purpose for which power can be rightfully exercised over any member of a civilised community, against his will, is to prevent harm to others. His own good, either physical or moral, is not a sufficient warrant. (…) Over himself, over his own body and mind, the individual is sovereign.’ ...
Mon objectif ici est de lire De la liberté à haute voix : il fait partie de ces textes qu’on connaît plus ou moins, de réputation et sans les avoir lus, par les résumés scolaires qu’on en a eus, et par ce qui en a diffusé dans la culture politique. Mais c’est un de mes souhaits, en ce moment, et contrairement à la tradition dans laquelle j’ai été élevée, qui privilégiait le manuel (le Lagarde et Michard a fait des ravages pour des générations), de revenir aux sources et de réellement lire et essayer de comprendre les textes. ...
Il est difficile de penser à un texte qui, dans le monde occidental, a eu plus d’influence sur notre conception de la liberté d’expression que le De la liberté (1859) de John Stuart Mill. D’une certaine façon ce texte qui a plus de 160 ans fixe encore notre cadre de pensée, qu’on en ait conscience ou non. Par exemple, dans le contexte de la pandémie de Covid-19 Facebook a annoncé les règles suivantes en mars 2020 : ...
Ci-dessous mes notes de la conférence donnée en ligne par Ed Felten - @EdFelten, du Center for Information Technology Policy de Princeton sur le sujet en titre du billet, le 16/04/2020. La conférence a été enregistrée et sera en ligne : https://citp.princeton.edu/event/webinar-felten-covid/ On parle ici de la situation après le pic de la maladie, mais avant que la question soit réellement réglée. C’est-à -dire que la question est liée à une transition longue entre le pic et la disponibilité d’un vaccin, des mois pendant lesquels il faudra gérer une « zone grise » de risque. ...
Le critère du « danger clair et immédiat » établi par le juge Holmes reste valable pendant plusieurs décennies. La tentation de limiter la possibilité de critiquer le Gouvernement ne disparaît jamais tout à fait et elle revient au premier plan dès que les circonstances se font plus pressantes. C’est le cas début 1940 quand la guerre se déclenche en Europe. Dans un contexte de panique à l’égard d’une « cinquième colonne » en cas d’expansion du conflit, le Congrès passe le Smith Act, qui oblige les étrangers à s’enregistrer et se faire prendre les empreintes, facilite leur éventuelle expulsion, et interdit d’en appeler de quelque façon que ce soit au « renversement ou à la destruction du gouvernement ». Roosevelt signe la loi en juin 1940, au moment de la défaîte Française. Le Smith Act est utilisé en 1941 contre des militants trostkyistes dans le Minnesota, pendant la guerre contre des sympathisants nazis ou militants isolationnistes rejetant la guerre, et après guerre contre des militants communistes. Ce dernier cas arrive jusqu’à la Cour Suprême en 1951 (Dennis v. United States). ...
Pendant ses plus de cent premières années, le bill of rights est un peu comme la Magna Carta après 1215 : un marqueur, que personne ne cherche vraiment à respecter. Les Rois anglais ne respectent pas la « loi du pays » s’ils ont un intérêt quelconque à ne pas le faire, a fortiori s’il s’agit d’usurper le trône ; et la société américaine ne se soucie pas tellement, en pratique, du premier amendement au 19e siècle. Ces deux documents sont longtemps comme des monuments : imposants, mais essentiellement statiques. ...
Comme les événements nous l’ont rappelé ces dernières années, avec l’administration Trump par exemple, le cadre politique et juridique d’une nation est fait de lois, d’institutions et de tribunaux, mais aussi de beaucoup de conventions. Pour que la loi s’exerce, il faut qu’elle soit testée : quelqu’un s’aventure dans la zone grise aux limites de la loi, et une interprétation réaffirme, temporairement parfois, une nouvelle limite, qui peut être différente de la précédente, et parfois moins claire qu’il n’y paraît, mais reste néanmoins valide jusqu’à ce qu’un nouveau test se présente. La loi s’exerce aussi, en sens inverse, quand on découvre que ce qu’on croyait défendu ne l’est pas en réalité, que l’action nouvelle, choquante, qu’on voudrait voir interdite n’était en fait que convention : les tribunaux décident qu’ils ne s’occuperont pas de ce cas. ...
James Madison lui-même ne s’est pas appesanti outre mesure sur le besoin d’adopter ce premier amendement, mais étant donné le rôle individuel qu’il a joué dans son adoption, il est important d’essayer de cerner ses motivations. Son discours introductif du 8 juin 1789 n’est pas très disert sur le sujet. Il se contente de remarquer que « la liberté de la presse et le droit de conscience, ces insignes privilèges du peuple, ne sont pas garantis dans la constitution britannique. » Que certes on est dans une République et que d’aucuns pourraient penser que ces garanties, le régime étant pour ainsi dire intrinsèquement bon, ne sont pas nécessaires, mais ça ne fait pas de mal : ...